vendredi 6 janvier 2017

666 Road, de Radio Silence, Roxanne Benjamin, David Bruckner & Patrick Horvath

Bénéficiant d’une sortie ultra-confidentielle en DTV, 666 Road (nom grotesque que les distributeurs français ont donné à Southbound) est un film à sketches américain ayant connu un certain succès dans les festivals spécialisés, une carrière s’étalant à cheval entre 2015 et 2016. Le film a été projeté pour le première fois chez nous à la 5ème édition du PIFFF et à la 9ème des Hallucinations collectives. Fort d’une réputation sympathique de bisserie rafraîchissante conçue avec un vrai amour du genre, on s’étonne de le voir débarquer aux dernières lueurs de 2016 dans une vulgaire copie DVD. M’enfin, qu’à cela ne tienne, ça permettra aux retardataires de jeter un oeil sur la chose.

Quatre réalisateurs se partagent les 90 minutes du film, dont un certain David Bruckner habitué à cette figure de style puisque déjà derrière les manettes de V/H/S. L’écriture du film présente des segments interconnectés qui se suivent logiquement et deviennent indissociables les uns des autres. Un effet papillon qui nous plonge dans une espèce de cercle sordide dont aucun protagoniste ne peut échapper, faisant penser à une espèce de Silent Hill puisque les évènements se déroulent dans et autour d’une bourgade envahie par un mal insidieux, et dont il est impossible de sortir. Le film ne se barricade pas dans un genre et profite de son découpage narratif pour insuffler un véritable renouveau dès qu’un réalisateur prend le relais des mains du voisin. Ainsi, on passera du film de monstre, au vigilante, au home-invasion, au Body Snatchers-like jusqu’à une espèce de torture porn assez bien pensé, ce qui est plutôt rare pour être souligné.

Un défaut inhérent à ce type de production, et qui apparaît « par définition », c’est l’inégalité des sketches entre eux, même si on est loin de certains projets qui passent de la bouse à la bombe toutes les vingts minutes (ou, dans le pire des cas, de la bouse à la bouse dans le même laps de temps). Pour être honnête, il n’y a pas vraiment de claque; c’est un film qui se suit de manière très agréable et sans temps mort, bien qu'un sketch sorte vraiment du lot : The Accident. Je ne peux pas en parler sans trop en dévoiler et sans gâcher la surprise, mais croyez-moi, il vaut à lui seul le visionnage du film : on pense à du Nacho Cerda mêlé à du Eli Roth, l’ambiance est lugubre à souhait et la tension permanente, regardez simplement l’illustration que j’ai choisie pour publier cet article, et vous comprendrez sans doute ce que je veux dire…

Ce défilé de différents hères jetés en pâture à des créatures et à des satanistes (le choix du Carnaval des âmes diffusé sur plusieurs télés des décors du film n’est pas anodin) qui les perdront à tout jamais dans des méandres dignes des épisodes les plus suffocants de la Quatrième dimension attise nécessairement une sympathie bienveillante face aux défauts d’une péloche qui ne se fout pas de la gueule du spectateur et livre une oeuvre faite avec les tripes et une vraie conviction.

Le film compile nombre de bonnes idées pas toujours bien exploitées mais avec une personnalité propre, faisant d’autant plus regretter de voir certains segments prendre fin un peu trop brutalement. Le second, par exemple, s’achève précipitamment. On en aurait voulu plus, on aurait voulu que ça développe. Le potentiel est là, le sujet aussi, et on a la sensation d’être extirpé de la seconde partie du récit sitôt après y être entré. M’enfin, le sketch a au moins pour lui de préfigurer la bombe qui suit, alors qu’à cela ne tienne. 666 Road vous plongera dans une atmosphère macabre et péremptoire de la première à la dernière image, et même si c’est inégale, le film ne vous laissera jamais vous assoupir, et vous apprécierez sûrement le zeste de comédie noire qui ne vient jamais rompre le ton, mais qui au contraire épouse parfaitement la malignité et la mesquinerie d’une péloche qui se doit d’être vue par les aficionados. Et malgré ses défauts, le film est enthousiasmant, le casting plutôt anonyme est délectable, et l'écriture vivifie véritablement cet ensemble bien articulé.

Un film qui révèle un peu plus David Bruckner, l’artisan de The Accident, qu’on aimerait maintenant voir aux commandes d’un long-métrage qu’il shooterait de A à Z. Je crois que ce type a un vrai potentiel. Sur ce, je vais jouer à Euro Million, histoire de pouvoir miser sur son prochain méfait. À vous les studios.

 



Ferdinand Bardamu

Note du rédacteur : 3/5 (Honnête)

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